Colloque organisé dans le cadre des Rencontres d’Angoulême : Penser et comprendre la bande dessinée, par l’Université de Poitiers (laboratoires BDGEN et Criham), la Maison des Sciences de l’Homme et de la Société, la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, Magelis et le Réseau de Recherche Régional Nouvelle Aquitaine en Bande Dessinée (3RBD).
Le colloque se tiendra du 11 au 13 octobre dans l’Auditorium du Musée de la Bande dessinée d’Angoulême.
La bande dessinée, souvent présentée comme un art séquentiel ou un récit spasmodique, veut, depuis ses origines, se jouer des images fixes et des corps immobiles, donnant l’illusion des actions qui s’enchainent et du mouvement. Pourtant les corps immobiles peuplent les cases et les planches. En premier lieu, les récits d’affrontements armés, de guerres civiles ou coloniales abandonnant quelques dépouilles mortelles ou un nombre impressionnant de cadavres, comme dans tel album de David B. Certains gisants pourtant ne sont pas tout à fait des êtres humains mais des sortes de répliques, des clones ou des avatars, à moins, que sculptés dans la pierre, comme les personnages couchés à plat-dos et placés au-dessus d’un sarcophage, ils représentent, surtout à l’époque médiévale, une personnalité d’importance qui, figurée par un corps minéral, doit pouvoir traverser les siècles. Ils constituent aussi, à la manière des Étrusques, une urne funéraire monumentale, ce que parvient réaliser Jacques Martin pour la couverture du huitième album des aventures d’Alix paru en 1968. Ailleurs, à la morgue ou même chez soi, se trouvent des corps immobiles, comme dans les aventures d’Adèle Blanc-Sec. Mais il existe aussi toute une galerie d’autres corps inertes. Des personnages s’avanouissent ou sont assommés. La bande dessinée policière ou d’aventures comptent un nombre impressionnant de corps allongés, étendus sur le sol, après avoir reçu un coup derrière la tête ou sur le crâne. Il est vrai que les corps immobiles sont le plus souvent dans une mauvaise posture. Des personnages, captifs, sont attachés à un poteau ou plaqués contre une surface rigide. Ils sont rendus impuissants par des liens qui les compriment et les empêchent de se mouvoir. A moins que, désespérés et fatigués, ils aient cessé de bouger, attendant, résignés, le sort qui leur est promis. D’autres fois, les corps sont figés car victimes d’un rayon paralysant, à l’instar des victimes de la zorglonde manipulés par Zorglub ou de « l’anneau du diable » manipulés par des voyageurs venus de la planète Térango dans les aventures de Luc orient (1970). Si les corps peuvent être paralysés par une action extérieure (un rayon, une substance…), par la congélation, volontaire ou accidentelle, ils le sont aussi par la maladie qui fige les corps ou les paralysent partiellement. Il arrive encore que des personnages soient transformés en statues et les enveloppes corporelles semblent condamnées pour l’éternité à rester immobile. Dans un tout autre registre, les corps endormis, anesthésiés, plongés dans un sommeil artificiel, ou simplement assoupis défilent dans certaines planches. Mais les corps sont comme impuissants, ne réagissant pas aux directives des cerveaux. Momentanément immobiles, ils sont paralysés par les émotions (la sidération, la surprise, le coup de foudre, la peur…). Dans des albums de Jacques Tardi, C’était la guerre des tranchées (1993), Putain de guerre (2014), Le dernier assaut (2016), des soldats semblent ralentir puis se figer, basculant dans une profonde résignation que le corps exprime. Le sentiment d’’impuissance engourdis les corps jusqu’à les figer, à l’instar de Vladek dans Maus, qui ne sait quelle direction choisir car la menace nazie s’avère omniprésente. Le corps immobile semble le propre des images fixes, d’une certaine manière tous les corps sont immobiles, mais lorsque qu’il s’agit d’un personnage qui ne bouge pas, quels indices sont donnés aux lectrices et lecteurs pour distinguer les « corps en inaction » des statues, des affiches murales, des mannequins des vitrines ?
Mercredi 11 octobre
14h : Accueil et présentation par Frédéric Chauvaud
Séance 1. Corps apparents, corps singuliers
14h20 : Valérie Blanchemanche, Le buste dans la BD, l’inquiétante immobilité ?
14h40 : Arianna Bocca-Pignoni, Les séances de pose dans l’atelier de
l’artiste : du modèle au personnage immobile
15h : Florent Perget, (Im)mobilités comiques dans Calvin & Hobbes de Bill
Watterson
15h20 à 16h10 – Discussion et pause
16h10 : Annick Naour, Les corps immobiles dans la bande dessinée à travers
une perception du monde singulière et des expériences sensorielles des
personnes autistes : des pratiques artistiques singulières dans l’art actuel –
une autre expérience sensorielle et perceptive du monde
16h30 à 17h00 : Discussion
Jeudi 12 octobre
Séance 2 – Corps flottants, corps suspendus
9h10 : Camille Pouzol, L’immobilité du corps dans l’album Contrapaso – Los hijos de los
otros : un langage graphique de la bande dessinée
9h30 : Miadana Annecy Andonjarasoa, Perception du sacré et de l’immobilité dans Ary
9h50 : Alberto Pellegrini [albe Calandrino], Rhétorique du dessinateur entomologiste.
Généalogies iconiques du cycle d’Alan d’Emmanuel Guibert
10h10 à 10h50 : Discussion et pause
10h50 : Hugues Blineau, Figures du dormeur éveillé en bande dessinée, entre suspens,
récits et affects
11h10 : Kaouther Zoghlami, Le corps immobile à l’ère de la Bd numérique
11h30 à 12h : Discussion
Séance 3. Corps inactifs, corps contraints
14h : Judicaël Etsila, L’immobilité corporelle dans le roman graphique gabonais
(1970-2020) : expression graphique des émotions et clé de lecture
14h20 : Véronique Haricot, Perceptions et immobilités du corps des enfants dans
les conflits armés fin XIXème -début XXème : de la BD à l’approche séquentielle de la
littérature jeunesse.
14h40 : Pascale Hellegouarch, S’enfuir, récit d’un otage de Guy Delisle : corps empêché,
temps suspendu
15h à 16h – Discussion et pause
16h : Jasmin Berger, « Ils sont fous, ces romains ! » – Les corps immobiles dans les
bandes dessinées d’Astérix
16h20 : Mounir Chafyq, Le corps immobile dans Les aventures de Tintin au pays des
soviets de Hergé
16h40 à 17h : Discussion
Vendredi 13 octobre
Séance 4. Corps figés, corps inertes
9h20 : Gilles Menegaldo, Hypnose et catalepsie dans la bande dessinée
9h40 : Jean-Bernard Cheymol, Quasi immobilité et mobilité minimale des corps dans
3 “ de Marc-Antoine Mathieu
10h : Julie Gallego, Cartographie des corps figés dans Florida
10h20 à 10h50 : Discussion et pause
10h50 : Pichaiwat Saengrapan, Les cadavres des victimes de la bombe atomique
dans Gen d’Hiroshima
11h10 : Fatima Seddaoui, L’inertie corporelle dans l’univers graphique policier de
Simenon par Odette Reynaud
11h30 à 12h : Discussion et conclusion par Denis Mellier