Colloque
Représentations des minorités dans la bande dessinée :
perspectives interdisciplinaires et impact sociétaux

Université de Poitiers, MSHS, salle des conférences
13-14 novembre 2025

Appel à communications

L’impact des médias audiovisuels et de la presse écrite sur la construction des imaginaires collectifs, en particulier en ce qui concerne les minorités et leurs représentations, a été largement étudié (Pulvar, 2007 ; Rigoni, 2007 ; Seurrat, 2010). En revanche, l’exploration de ce phénomène dans le domaine de la bande dessinée (BD) demeure encore relativement limitée, malgré quelques récentes approches historiques portant sur l’héritage colonial (Villagordo et Paredes Cruz, 2023). C’est le sociologue Louis Wirth (1945 : 347) qui donne une des premières définitions de référence. Il considère qu’une minorité est : « tout groupe de personnes qui, en raison de leurs caractéristiques physiques ou culturelles, sont distinguées des autres dans la société dans laquelle elles vivent par un traitement différencié et inégal, et qui se considèrent donc comme des objets de discrimination collective ». Nous entendons donc le terme de minorité non pas dans un sens purement quantitatif, mais dans une perspective relationnelle, marquée par un rapport de domination, c’est-à-dire comme un groupe ou une personne qui subit des stigmatisations et des discriminations en raison de caractéristiques ethniques, linguistiques, religieuses, d’identité de genre ou d’orientation sexuelle (LGBTQIA+), de handicap, ou autres. Les travaux de théoriciens comme Eisner (1985) sur l’art séquentiel, Groensteen (1999) sur le système de la bande dessinée, Peeters (2003) sur les stratégies de lecture, ou encore McCloud (1994) dans Understanding Comics: The Invisible Art, sans oublier Jacques Dürrenmatt sur les relations qu’entretiennent la littérature et la bande dessinée (2013) et Pierre Nocerino (2016) sur “ce que la bande dessinée nous apprend de l’écriture sociologique”, ont permis de développer des outils conceptuels indispensables pour appréhender la BD comme un médium à part entière. Toutefois, leur application spécifique à la représentation des minorités reste encore peu explorée. Ce colloque se propose donc d’examiner comment la BD peut, à la fois, dépeindre, interroger et redéfinir les représentations des minorités.

Objectifs du colloque

Les objectifs de ce colloque sont de rassembler des chercheurs et chercheuses issus de diverses disciplines (histoire, histoire de l’art, littérature comparée, linguistique, sociologie, psychologie, sémiotique, droit…) pour analyser les représentations des minorités dans la bande dessinée, à la fois sous l’angle des discours véhiculés et de leurs impacts sociaux et culturels. Il s’agira de mettre en lumière des expériences souvent négligées ou marginalisées à travers l’exploration des œuvres, tout en croisant des approches variées pour comprendre la complexité et les enjeux de ces représentations.

Axes thématiques

Axe 1 : Représentations et déconstruction des stéréotypes

Cet axe explorera comment la bande dessinée reproduit, questionne ou déconstruit les stéréotypes associés aux minorités. Les communications pourront analyser les préjugés véhiculés ou remis en cause à travers les images, récits et dialogues ainsi que leurs impacts sur la perception des minorités par les lecteurs (Boukala, 2010 ; Villagordo et Paredes Cruz, 2023). Les propositions de communication pourront inclure des réflexions sur les rapports de pouvoir, la marginalisation, et la réinvention des normes sociales (Giaufret, 2019).

Axe 2 : Visibilité, inclusion et voix minoritaires

Ce deuxième axe s’intéressera à la manière dont la bande dessinée accorde une place aux voix des minorités (McKinney, 2004 ; Giaufret, 2016 ; Agbessi et Dacheux, 2023). Les propositions pourront porter sur les trajectoires individuelles (Le Gal, 2024) et collectives des minorités (ethniques, linguistiques, religieuses, LGBTQIA+, handicapées, etc.), comme par exemple l’analyse d’Agnès Peysson-Zeiss (2024) sur les représentations des albinos au Gabon et au Cameroun. On pourra également s’intéresser aux dispositifs narratifs, linguistiques et visuels qui participent à leur mise en visibilité (Minne, 2010 ; Chauvaud et Mellier, 2020 ; Laborde, 2024).

Axe 3 : La bande dessinée, outil de médiation

Il s’agira ici d’interroger le rôle de la bande dessinée comme outil de médiation (Rouvière, 2012 ; Derder, 2013 ; Raux, 2023). Les contributions pourront explorer comment ce médium favorise le dialogue entre les cultures, sensibilise aux enjeux interculturels, ou contribue à l’inclusion et à l’intégration des minorités, dans divers contextes, qu’il s’agisse de situations migratoires, de marginalisation sociale ou de dynamiques post coloniales. À titre d’exemple, l’initiative nationale « Bulles en fureur » (Morrad, 2016) illustre comment la bande dessinée peut être utilisée pour favoriser l’insertion et l’inclusion sociale des jeunes en difficulté

Axe 4 : Mémoire, héritages et transformations sociales

Ce dernier axe se concentrera sur le rôle de la bande dessinée dans la représentation des mémoires collectives et des héritages historiques des minorités, notamment en lien avec des luttes sociales, des migrations ou des traumatismes (Arnold et Plaiche, 2015 ; Servin, 2017 ; McLeod, 2019; Preyat et Tilleuil, 2024). Les communications pourront également analyser comment ces récits participent à transformer les imaginaires collectifs et à lutter contre les discriminations.

Les axes thématiques proposés, ancrés dans des approches disciplinaires variées, sont des suggestions qui visent à explorer les représentations des minorités dans la bande dessinée. Nous encourageons vivement les contributions qui abordent ces questions à la croisée de plusieurs disciplines, car les enjeux soulevés par la BD et les minorités sont complexes et interconnectés.

Soumission des propositions

Pour contribuer, nous vous invitons à envoyer avant le 09 mai 2025 un résumé de votre proposition de communication (titre, résumé et bibliographie), en français ou en anglais (250 mots soit environ 1700 signes), aux adresses suivantes :
laurie.dekhissi[a]univ-poitiers.fr
stephanie.tabois[a]univ-poitiers.fr
jeanne.vigneron.bosbach[a]univ-poitiers.fr

Vous devrez indiquer l’axe ou les axes (cf. ci‐dessus) dans lequel s’inscrit votre proposition. Merci de préciser votre affiliation (université/laboratoire de rattachement).

Les auteur·e·s des propositions retenues seront prévenu·e·s au plus tard le 4 juillet 2025.

Références
Agbessi, E., & Dacheux, É. (2023). V. Approche marginale et interculturelle de la représentation de la minorité afro-américaine dans le neuvième art européen. In La fabrique de la bande dessinée (pp. 83-97). Hermann.
Arnold, M., & Plaiche, K. (2015). La bande dessinée à l’épreuve du génocide au Rwanda: état des lieux critique d’un mode d’expression original. Présence Francophone: Revue internationale de langue et de littérature, 85(1), 9.
Boukala, M. (2010). Autoreprésentation et hétérostigmatisation en bandes dessinées. Ethnologies. 31.
Chauvaud, F., & Mellier, D. (2020). Corps handicapés et corps mutilés dans la BD. In Les rencontres d’Angoulême: penser et comprendre la bande dessinée. Corps handicapés, corps mutilés dans la bande dessinée. Presses universitaires de Rennes.
Derder, P. (2013). “La bande dessinée, alliée pédagogique de la transmission de l’histoire de l’immigration”, Hommes & migrations, 1303, 170 171.
Dürrenmatt, J., (2013). Bande dessinée et littérature. Paris : Classique Garnier.
Eisner, W. (1985). La bande dessinée. Art Séquentiel. Vertige Graphic.
Giaufret, A. (2016). La représentation du français québécois parlé dans les bandes dessinées des jeunes auteurs montréalais francophones: une étude de corpus. Cahiers internationaux de sociolinguistique, 10(2), 205-232.
Giaufret, A. (2019). La bande dessinée québécoise a-t-elle peur des anglicismes?. Circula, (9), 107-122.
Groensteen, T.(1999). Système de la bande dessinée. Presses Universitaires de France.
Laborde, C. (2024). Santé, intimité, et identité dans la bande dessinée autobiographique de tradition franco-belge (p. 246). Purdue University Press.
Le Gal, A. (2024). La bande dessinée « Les Nouveaux Venus » : l’école en mission d’intégration pour les enfants allophones. Le Monde, 30.10.2024 https://smurl.fr/z5nb2
Minne, S. (2010). Stratégies éditoriales et représentations de l’homosexualité dans la bande dessinée lesbienne et gay francophone. Image & Narrative, 11(4), 171-184.
Morrad B. (2016). Faire vivre la culture en milieu pénitentiaire, La Lettre de l’OCIM, 166, 20-27.
McLeod, C. (2019). Tracing the Trauma of Clandestine Migration in the Bande Dessinée dans Immigrants and Comics: Graphic Spaces of Remembrance, Transaction, and Mimesis, Routledge.
McCloud, S. (1994). Understanding Comics: The Invisible Art. Harper Perennial.
Nocerino, P. (2016). Ce que la bande dessinée nous apprend de l’écriture sociologique, Sociologie et sociétés, 48(2), 169-193.
Peeters, B. (2003). Lire la bande dessinée. Flammarion, 2003.
McKinney, M. (2004). Histoire et critique sociale dans les bandes dessinées africainesaméricaines et franco-africaines. Minorités ethniques anglophones et francophones: Etudes culturelles comparatives, 199-218.
Paredes Cruz, F. et É. Villagordo. (2023). La représentation de l’étranger(gère) dans la bande dessinée. Éditions L’Harmattan.
Peysson-Zeiss A. (2024). “Entre enfermement et réinscription visuelle : les enfants albinos sortent des cases”, dans RHEI, 26, 109-123.
Pulvar O. (2007). « Le stéréotypage des identités collectives minoritaires. Dérives identitaires et dérapages médiatiques », In Boyer H. (dir.), Stéréotypage, stéréotypes : fonctionnements ordinaires et mises en scène, Paris, L’Harmattan, tome 1.
Preyat, F., Tilleuil, J. (2024). Bande dessinée et engagement. Bruxelles, Belgique: Peter Lang Verlag.
Raux, H. (2023). La bande dessinée en classe de français. Un objet disciplinaire non identifié. Presses universitaires de Rennes
Rigoni I. (dir.). (2007). Qui a peur de la télévision en couleurs ? La diversité culturelle dans les médias, Montreuil, Aux Lieux d’Être.
Rouvière, N. (dir). (2012). Bande dessinée et enseignement des humanités. Sous la direction de. Grenoble : ELLUG.
Servin, L. (2017). La mémoire de la Shoah et sa représentation dans la BD. Le débat, (3), 188-198.
Seurrat, A. (2010) . Déconstruire les stéréotypes pour « lutter contre les discriminations » ? Le cas de dispositifs de « lutte contre les discriminations » et de « promotion de la diversité » dans les médias. Communication & langages, N° 165(3), 107-118. https://doi.org/10.4074/S0336150010013098.
Wirth, L. (1945). The problem of minority groups, in Linton, Ralph (Ed.). The Science of Man in the World Crisis. New York : Columbia University Press.

Ce colloque est organisé dans le cadre du projet interdisciplinaire PRISM-BD (représentations des minorités dans la bande dessinée) qui bénéficie d’un soutien financier d’UPsquared, projet France 2030 « Excellences sous toutes ses formes » – ANR-21-EXES-0013) https://prismbd.hypotheses.org/

Le colloque bénéficie également du soutien financier de l’Université de Poitiers, du Réseau de Recherche Régionale en Nouvelle Aquitaine sur la Bande Dessinée (3RBD) et des laboratoires FoReLLIS (UR15076), Migrinter (UMR7301), MIMMOC (UR15072), Techné (UR20297) et Criham (UR15507).

Comité d’organisation :

Frédéric Chauvaud (3RBD, Université de Poitiers)
Fathallah Daghmi (Migrinter, Université de Poitiers)
Laurie Dekhissi (FoReLLIS, Université de Poitiers)
Nelly Gillet (FoReLLIS, Université de Poitiers)
Gabriel Peronneau (Criham, Université de Poitiers)
Isabelle Rigoni (Grhapes et associée Migrinter, INSEi)
Stéphanie Tabois (Gresco, Université de Poitiers)
Emmanuelle Vareille (Techné, Université de Poitiers)
Jeanne Vigneron-Bosbach (FoReLLIS, Université de Poitiers)

Comité scientifique :

Arianna Bocca-Pignoni (3RBD, Sorbonne Université)
Frédéric Chauvaud (3RBD, Université de Poitiers)
Caroline Coche Carvalho de Barros (FoReLLIS, Université de Poitiers)
Fathallah Daghmi (Migrinter, Université de Poitiers)
Laurie Dekhissi (FoReLLIS, Université de Poitiers)
Kelly Fazilleau (MIMMOC, Université de Poitiers)
Catherine Ferreyrolle (CIBDI, Angoulême)
Aurora Fragonara (membre associée FoReLLIS, Université de Picardie Jules Verne)
Laurence Joselin (Grhapes, INSEi)
Eric Kocher Marboeuf (Criham, Université de Poitiers)
Charlotte Krauss (FoReLLIS, Université de Poitiers)
Ariane Lemoing (MIMMOC et IEAQ, Université de Poitiers)
Irène Le Roy Ladurie (Université de Lausanne)
Denis Mellier (FoReLLIS, Université de Poitiers)
David Mediano Gonzalez (MIMMOC, Université de Poitiers)
Aurélie Moioli (FoReLLIS, Université de Poitiers)
Jessy Neau (FoReLLIS, Université de Poitiers)
Ana Egea Perez (MIMMOC, Université de Poitiers)
Isabelle Rigoni (Grhapes et associée Migrinter, INSEi)
Daniel Senovilla Hernandez (Migrinter, Université de Poitiers)
Stéphanie Tabois (Gresco, Université de Poitiers)
Ludivine Thouverez (MIMMOC, Université de Poitiers)
Emmanuelle Vareille (Techné, Université de Poitiers)
Jeanne Vigneron-Bosbach (FoReLLIS, Université de Poitiers)

PDF de l’appel